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Vous avez dit retour au bureau ?

1 octobre 2020

Par

Benedikt Benenati

Consultant en communication et accompagnement du changement.

La peur du retour ?

Ce mot indique le fait de repartir pour l’endroit d’où l’on est venu. Quoi de plus évident, donc, que de retrouver ses bonnes habitudes après une période anxiogène de confinement ? Et pourtant, ce « retour à la normale », autorisé depuis le 11 mai 2020, pose problème, avec 60 % des télétravailleurs en Île-de- France qui auraient du mal à reprendre le chemin du bureau.

Les psychologues et les médecins du travail constatent des crises d’angoisse et des peurs qui sont liées à la possible résurgence du virus et à la crise économique qui se profile. Après des semaines chez soi où l’on s’est senti protégés, le télétravail semble une option préférable à l’idée de reprendre les transports en commun et de renouer avec les contraintes de la vie au bureau.

Dialogue de sourds sur le retour ?

En face, des employeurs qui ont hâte de relancer l’activité. Dès le 9 juin, le président du Medef demande au gouvernement « de dire aux Français qu’il est temps de retourner travailler ». En effet, après quelques mois d’expérimentation concluante, beaucoup de salariés considèrent qu’il n’est pas nécessaire de voir tous les jours ses collègues et qu’ils peuvent désormais accomplir de façon plus productive beaucoup de tâches depuis leur ordinateur sans devoir retourner au bureau. Les protocoles sanitaires ont été subitement allégés pour favoriser ce retour tant attendu par les entreprises, mais, face aux réactions peu enthousiastes des salariés qui continuaient à déserter les bureaux, et puisque le droit social français le permet, certaines entreprises ont décidé d’imposer ce retour au bureau à leurs employés.

Cette injonction de l’employeur a été jugée par beaucoup de salariés comme archaïque, perçue comme un manque de confiance. Le management basé sur le contrôle est remis en cause par ceux qui s’attendaient à une révolution et qui, au moment du déconfinement, ont trouvé un amer goût du « monde d’avant ». Pourtant, la situation est paradoxale, puisque rester en télétravail est tout sauf la bonne solution selon certains psychologues, qui expliquent que, face aux peurs, la meilleure cure est le lien. On ne peut pas rester durablement isolé au travail, on a besoin de faire équipe, d’être soutenu par un collectif, un réseau, une organisation. Une option hybride semblerait finalement envisageable, puisque, selon une enquête récente menée par le BCG et l’ANDRH, 86 % des DRH en France seraient d’accord pour accepter quelques jours de télétravail par semaine.

Derrière les valses hésitations, la question de l’engagement

Mais le télétravail est-il suffisant ? Les cafouillages autour du retour au bureau ne sont qu’un symptôme d’un problème beaucoup plus profond qui concerne l’engagement des collaborateurs. En 2017, une enquête faite par Gallup dans 143 pays révèle qu’en France, seulement 6 % des salariés seraient engagés au travail, c’est-à dire hautement impliqués et enthousiastes dans leurs fonctions et dans leur lieu de travail. Ce sont eux qui font avancer l’entreprise.

En revanche, 69 % des employés français seraient non engagés, c’est-à-dire psychologiquement détachés de leur travail et de leur entreprise, et investiraient du temps mais pas d’énergie ni de passion dans leur travail. Encore plus inquiétant, les 25 % des salariés restants seraient complètement désengagés, malheureux et frustrés que leurs besoins d’engagement ne soient pas satisfaits. Tous les jours, ces derniers sapent les accomplissements de leurs collègues engagés. Gallup estime que leur impact négatif sur l’entreprise est estimé à environ 100 milliards d’euros. En revanche, leurs études montrent que les entreprises qui ont le meilleur taux d’engagement sont 17 % plus productives et 21 % plus rentables.

Ces arguments devraient convaincre les entreprises de profiter du retour au bureau pour créer des environnements de travail qui favorisent concrètement l’engagement de leurs salariés et non un « retour à la normale ».

Retisser le lien, pour un retour de flamme

Les injonctions ou les concessions de journées de télétravail ne suffiront certainement pas !

C’est le sujet du sens et de l’appartenance qui émerge avec force et que la question du retour au bureau n’a fait qu’amplifier, qu’exacerber. Le lien était déjà abîmé et il faut le réparer. Dans une période où tout est complexe et ambigu, le rôle du manager (re)devient central : il n’est pas là pour fliquer, il est là pour faciliter la vie, pour donner du courage, pour créer l’environnement où l’on aura envie de se retrouver au bureau. Il est là pour redonner du sens, développer des relations solides et imaginer avec ses équipes les modalités de ce nouveau retour, les nouvelles façons de travailler, les nouveaux espaces de travail, les nouvelles configurations pour trouver le bon équilibre entre autonomie et besoin du collectif.

Trouver ensemble de bonnes raisons de revenir au bureau, pour nourrir le collaboratif informel, pour avoir des conversations, du « small talk », avec ces mots inutiles et pourtant précieux et indispensables, évoqués avec justesse par Mariette Darrigrand. Pour que dans cette phase de bascule le retour au bureau soit un retour de flamme et pas un retour de bâton, il sera indispensable de recréer un lien de confiance autour d’une raison d’être qu’il ne suffit pas d’annoncer. Il faudra, cette fois, la mettre en pratique, prendre des engagements réciproques, donner des preuves au-delà des déclarations. Joli chantier pour le retour ! Et gardons espoir : il ne s’agira pas d’un retour en arrière, mais d’un retour à l’essentiel.

Benedikt Benenati

Après un parcours de communicant interne dans des groupes internationaux, Benedikt Benenati est aujourd’hui consultant en communication et accompagnement du changement. Derrière le mot
« retour » qu’il a choisi d’analyser émerge la question du lien à l’entreprise, du rapport au travail et du lien humain.

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