Le récit d’Aurélia
Propos recueillis par Jean-Marie Charpentier

D’un monde à l’autre
La curiosité, à bien y regarder, c’est le fil rouge de mon métier depuis que je l’exerce. Aujourd’hui, je suis directrice de la communication interne et RSE d’une compagnie d’assurance. La communication interne n’a pas été mon premier terrain de jeu professionnel. J’ai d’abord eu une carrière bien remplie en communication externe. Mes débuts furent brefs en agence et j’ai vite choisi d’exercer mon métier de communicante chez l’annonceur avec cette particularité d’avoir travaillé dans des secteurs extrêmement variés, dans le public comme dans le privé.
Et puis, il y a trois ans, j’ai fait le choix de la communication interne.
En fait, j’avais le sentiment d’avoir fait le tour de la communication externe. Je n’y prenais plus vraiment de plaisir et surtout je voulais ancrer mes actions dans quelque chose qui faisait plus sens pour moi. Cela faisait un moment que je souhaitais bifurquer vers la communication interne sans en avoir eu l’opportunité. Mon poste précédent dans un ministère dans lequel j’avais la double casquette communication externe et interne a fini de me convaincre. Et puis, il y a sans doute aussi ma dernière formation qui a pesé dans la balance. Après un BTS Actions de communication, j’ai poursuivi mes études avec une école de commerce afin d’approfondir la dimension marketing. Quelques années plus tard, j’enrichissais mon bagage en réalisant une VAE pour l’obtention d’un master Politique de communication contenant un volet sociologie des organisations.
C’est cette dimension que je retrouve bien des années après dans le métier de la communication interne. Je suis convaincue que pour arriver à faire de la bonne communication, il faut bien comprendre la sociologie de l’organisation, les jeux d’acteurs qui se mettent en place dans l’entreprise. Il faut arriver à décrypter le rôle de chacun, les jeux d’influence, les stratégies … C’est essentiel si l’on veut saisir et refléter la vraie personnalité de l’entreprise.
Pour ce faire, comme les mômes, j’adore demander pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? Cela tombe bien parce que, au fond, c’est la base du métier non ?
Chercher et creuser le pourquoi de chaque chose permet de s’assurer d’avoir bien compris soi-même pour ensuite être le bon passeur de message, choisir les bons mots, les bons canaux. Comme je dis souvent : « la communication, c’est ce que l’autre comprend » in fine.
Une équipe avec des rituels
Dans mon entreprise aujourd’hui, la communication interne est rattachée à la DRH. En même temps, j’ai une connexion directe et régulière avec la direction générale sur mes activités.
J’ai la chance d’avoir une vraie équipe au quotidien. On est neuf avec des profils, des compétences variées et complémentaires. L’ensemble s’organise en plusieurs pôles. Il y a l’« éditorial » avec, au centre, l’intranet devenu au fil du temps une véritable plaque tournante de la communication. Notre objectif étant que chaque salarié qui cherche quelque chose puisse y trouver une réponse. Cela demande un suivi rigoureux pour maintenir l’information à jour et faire vivre l’outil en proposant une actualité toujours brûlante. Il y a aussi un pôle graphisme et montage vidéo qui apporte une réelle valeur ajoutée en interne. Tout est internalisé, permettant une grande flexibilité et réactivité. Et puis, enfin, il y a un pôle événementiel. L’entreprise est sur neuf sites différents, nous avons donc un vrai challenge pour animer de façon équitable l’intégralité de ces sites.
J’ai des points hebdomadaires avec chaque pôle. Des points qui peuvent varier en temps. Cela peut prendre une demi-heure avec ceux qui préfèrent les réunions flash. Parfois, ça peut aller jusqu’à une heure, mais jamais plus. C’est important d’avoir ces rituels. Comme nous avons un calendrier assez chargé tant en animation qu’en publication sur l’intranet, ça nous permet d’établir des go/ no go assez rapidement pour garder un dynamisme de communication et de publication.
Et puis, on a une réunion d’équipe tous les quinze jours. Elle dure deux heures en général. Chacun amène un dossier sur lequel il travaille. D’ailleurs, c’est rare qu’une personne soit complètement seule sur un dossier. Nous organisons systématiquement des tandems sur les projets pour créer une dynamique et permettre à ceux qui le désirent de travailler sur de nouveaux sujets et activer ainsi de nouvelles compétences.
Autre rituel important, la revue de nos activités de communication interne tous les mois en Codir. Ce temps d’échange et de validation avec les membres de la direction rythme la vie du service de manière confortable avec une prise de décision rapide pour la mise en place des actions proposées. Enfin, je rencontre le directeur des ressources humaines deux fois par mois. Voilà pour notre organisation.
Ce qui m’importe vis-à-vis de ces managers, c’est de pouvoir positionner la communication interne comme un service conseil et non pas uniquement un service support.
Aurélia, Directrice de la communication interne et RSENourrir la pratique managériale
La communication auprès de la population des managers est un maillon clé pour nous assurer de la qualité de notre communication interne.
Véritables passeurs de sens, on se doit de s’appuyer sur eux pour les projets phares de l’entreprise comme, par exemple, la RSE ou encore lors de la mise en route d’une nouvelle stratégie d’entreprise. « Réseauter » en interne et alimenter cette communication managériale sont essentiels pour rester au cœur de la vie de l’entreprise, de ses temps forts ou encore pour sentir les signaux faibles et les préoccupations des services.
Pour cela nous organisons une réunion managers que j’anime tous les mois et qui me permet de faire ce réseautage à grande échelle avec les 180 managers. Chaque mois, on y partage des informations, des points RH, des échanges de bonnes pratiques, les messages clés à destination des équipes ensuite. C’est à la fois un espace libre d’échanges entre pairs et une mine d’informations dans laquelle les managers viendront piocher les dernières nouvelles du moment. De quoi nourrir leur pratique managériale en somme.
C’est un sujet qui nous tient à cœur et auquel nous croyons fortement. Nous avons déjà fait du chemin en créant ce rituel devenu incontournable. Cependant nous avons encore des progrès à faire pour rendre ce moment encore plus participatif et que les informations soient le moins descendantes possibles. L’idée, c’est vraiment que cette réunion soit la leur et qu’il y ait un véritable partage entre les managers. La communication interne en ce sens aide au décloisonnement, à la connaissance de l’autre.
Ainsi, nous avons de très grosses directions dans l’entreprise avec, pour certaines, près de 500 personnes. Obligatoirement, il y a une communication managériale qui existe un peu sans nous dans ces directions et c’est très bien ainsi. Je pense qu’on a eu l’intelligence de ne pas vouloir se substituer à cette communication managériale existante. Nous nous sommes positionnés plutôt en complémentarité et c’est l’association de ces deux niveaux de communication qui rend l’ensemble pertinent et efficace.
Ce qui m’importe vis-à-vis de ces managers, c’est de pouvoir positionner la communication interne comme un service conseil et non pas uniquement un service support. Au début, on vient toujours nous voir avec une idée bien précise en tête, souvent la réalisation de photos, d’une vidéo ou d’un logo… Juste un petit sujet, un « one shot » comme on dit. Dans l’équipe, on a pris l’habitude de répondre « OK, j’entends ta demande, ta vidéo on va la faire, mais si tu veux bien on se pose un moment pour que tu m’en dises un plus sur ton besoin. Quel est le sujet ? Quel est l’objectif ? Pour qui tu as besoin de communiquer ?…Nous sommes là pour te conseiller et voir comment nous pouvons parler de ton projet sur un plus long terme, plusieurs fois. Et pourquoi pas à la prochaine réunion managers par exemple parce que ça intéresse aussi les autres managers de comprendre quelle est ta situation, les coulisses de la création de ton nouveau service…. Cela va intéresser les petits copains à côté. ».
En fait au-delà du besoin initial de vidéo, de logo…., on a su analyser nos enjeux de communication plus large pour l’entreprise et capitaliser sur la richesse des services. Nous sommes dans notre rôle à la fois de passeur et de développeur. Cette posture dans notre équipe donne toute sa légitimité à notre service et rend notre communication beaucoup plus riche.
Raconter les petites histoires et la grande histoire
On vient de faire un séminaire avec mon équipe pour faire le bilan de l’année et réfléchir à la suite.
Il en est ressorti que notre objectif au fond, est de savoir raconter, à la fois, les petites histoires et la grande histoire. On a un rôle d’irrigateur dans l’entreprise, du plus petit au plus grand et du plus grand au plus petit. C’est ça le décloisonnement dont je parlais.
Il faut toujours faire attention de ne pas être seulement dans les hautes sphères. Il faut savoir garder aussi un pied sur le terrain. Raconter les petites histoires et la grande histoire, c’est partager autant sur le déploiement de la nouvelle stratégie que de parler d’un métier précis, d’être au plus près de « l’expérience collaborateurs », comme on dit. C’est ce qu’on tente de faire au quotidien et l’ensemble de nos contenus sur l’intranet ou les animations que nous proposons sont conçus dans cet esprit. Nous disposons d’un éventail de possibilités, aussi bien dans le style d’événements qu’on peut créer, mais également dans les supports qu’on peut déployer, le podcast qui marche super bien, la vidéo, l’écriture, la publication, etc. On se situe comme des passeurs du haut vers le bas et du bas vers le haut. Et pour ça, il faut du récit, raconter des histoires qui s’incarnent.
En ce moment je travaille beaucoup sur la nouvelle stratégie de l’entreprise et la RSE.
C’est passionnant de participer à la concrétisation de ces sujets structurants dans toutes les strates de l’entreprise. La relation que j’ai avec la direction de la stratégie ou avec la DG facilite grandement les choses et la reconnaissance du rôle de la communication interne dans l’ organisation est vraiment appréciable.
La seule ombre au tableau c’est que nous sommes maintenant victimes de notre succès… Trop de projets entrainent parfois trop de communication et on le sait « Trop de communication tue de la communication »… Nous devons donc réfréner certaines demandes, prioriser, voire parfois nous limiter nous-mêmes dans nos propres propositions. Savoir garder notre créativité et inventivité tout en préservant la qualité de diffusion de notre communication…. Ce n’est pas une mince affaire !!!
Il faut avoir l’humilité de se dire que la communication interne, tous les événements que l’on peut proposer aux salariés, les actualités à lire, les vidéos à regarder doivent se frayer un chemin dans le quotidien déjà bien occupé par la réalisation du métier de chacun. On se doit donc de doser, de réguler, d’arbitrer, ça fait partie aussi du métier.
La tête, les pieds et les bras
Je crois que ce qui me plaît fondamentalement dans ce métier, c’est d’être à la fois la tête, les pieds et les bras. On est un bonhomme (ou une bonne femme…) avec tous nos membres en action. La tête pour capter et diffuser les messages stratégiques, mobiliser, engager, retrouver du sens. Les pieds pour se rappeler de ne pas perdre l’ancrage terrain, raconter les belles histoires, les situations, le vécu professionnel. Et les bras, beaucoup de bras, un peu comme Shiva parfois, pour faire plein de choses à la fois, orchestrer.
Dans ce métier, il y a une part de process, il ne faut pas le cacher. En même temps, on ne peut en rester au stade de la seule production. Il y a du travail en amont ou en aval. Et surtout il y a toujours la quête du dernier kilomètre à parcourir pour arriver à toucher vraiment son public et s’assurer que les messages sont bien passés et surtout compris. C’est en atteignant ce dernier kilomètre que l’on peut réellement mesurer si l’on a atteint notre objectif.
La tête, les pieds et les bras, il faut tout faire fonctionner pour ne pas passer à côté, pour faire les bons choix, les bons réglages et surtout ne jamais perdre sa curiosité.