Les Cahiers de la communication interne n°31 : Information interne: la nouvelle donne
ÉDITORIAL
Institutionnaliser le temps du dialogue
En ce début d’année, les professionnels de la communication interne s’interrogent sur les priorités à donner à leurs multiples missions. Par exemple, pourront-ils en 2013 ralentir le temps afin de faire mieux vivre ensemble les salariés au sein de leur organisation? Un défi ? Nous sommes tous confrontés à ce phénomène de l’urgence qui envahit nos journées de travail. Cette accélération des rythmes, avec la multiplication des prises de décisions et leurs corollaires, finit par morceler l’existence professionnelle, par affecter la qualité des activités, celle des idées, et pire celle des échanges entre les individus… Et met sensiblement en péril le lien social. Un sondage, réalisé par Ipsos en novembre 2012 pour le Conseil économique, social et environnemental et KPMG, met des chiffres sur ce ressenti : près des trois quarts des sondés estiment avoir moins de temps qu’il y a vingt ans pour rencontrer des gens. Cette tyrannie de l’instant qui oblige les salariés à se concentrer sur la réponse immédiate à l’immédiat détruit de façon insidieuse les relations humaines et le sens du collectif.
Il est urgent de redonner du temps aux organisations, en suscitant le débat, en créant de la confrontation − au sens vertueux du terme −, en retrouvant de manière collective le sens de l’avenir. Et l’entreprise ne s’en portera que mieux. Christian Morel*, sociologue, l’a démontré à plusieurs reprises: «Les principes fondamentaux de la fiabilité des décisions, reposent sur la durée. L’un deux est le débat contradictoire »**. La fonction communication interne est dans son rôle lorsqu’elle alerte l’entreprise sur les risques à agir sous la pression de l’urgence. Elle est dans son rôle en proposant de trouver du temps et de l’espace pour renouer le dialogue, et pour retisser peu à peu les liens entre collègues, et entre équipes. Le temps, comme le souligne le philosophe François Jullien***, génère de la fiabilité et favorise la confiance. Il est donc de la responsabilité des communicants internes de convaincre les directions de donner du temps aux équipes pour qu’elles puissent mettre en discussion le travail et ceci dans ses détails quotidiens, voire les plus intimes: une occasion de parler ouvertement des nouvelles procédures qui s’avèrent moins efficaces qu’annoncé, de mettre au jour de petites innovations qui n’ont l’air de rien mais qui changent en mieux le quotidien d’un service, de mettre des mots sur les « irritants » et trouver collectivement des solutions… Le communicant interne a un rôle important à jouer, bien souvent en coulisses, en facilitant ces moments de pause, propices à l’amélioration effective des relations. « Institutionnaliser » le temps du dialogue est bien une mission que chacun de nous doit mettre tout en haut de sa liste d’actions prioritaires de la nouvelle année.