Le récit d’Emmanuel
Propos recueillis par Vincent Brulois
Je suis arrivé sur mon poste en mai 2020, en total confinement. En terme d’onboarding, on a connu mieux ! Malgré tout, j’ai eu une chance incroyable de pouvoir prendre mes fonctions sur ce poste en dépit des circonstances. Pour l’anecdote, on est venu me livrer mon téléphone et mon ordinateur au pied de ma porte, en respectant les distances de sécurité.
J’ai mis plusieurs semaines à comprendre comment accéder à l’intranet et j’ai mis deux mois à comprendre les outils de gestion administrative de l’équipe. J’ai rencontré pour la toute première fois mon équipe en visio. Et, comme il y avait en plus des problèmes de réseau, certains n’activaient pas leur caméra. Autant dire que les réunions d’équipe n’étaient vraiment pas évidentes au début. Il était par ailleurs difficile dans ces conditions de comprendre les historiques, de cerner d’éventuels problèmes entre les personnes, de vraiment sentir la culture de l’entreprise etc. Ce n’est que bien plus tard que j’ai pu rencontrer mon équipe en vrai. Évidemment pas tous ensemble, du fait des règles sanitaires en place. En plus, tout le monde était masqué !
Adaptation, engagement, sens du service
Malgré toutes ces conditions, il n’y a pas eu de rupture de service dans notre établissement. J’ai été assez surpris et admiratif de l’engagement des salariés. Ce sont des métiers à vocation, des métiers de terrain avec un vrai sens du service. Je me souviens de collègues qui, pendant le confinement, travaillaient avec leurs enfants dans les pattes, avec leur propre ordinateur et leur téléphone personnel.
Il y a eu un effort d’adaptation énorme, un engagement impressionnant, et un sens du service très élevé. Les collaborateurs ne comptaient pas leurs heures. C’était une situation d’urgence qui a été comprise et pour laquelle l’adaptation a été immédiate.
Au final, la pandémie a mis en exergue l’engagement de tous et de toutes et a accéléré l’acquisition des compétences numériques partout dans l’organisation. Le télétravail et la visio sont devenus des habitudes, et font partie aujourd’hui du quotidien de chacun. Il y a eu une réelle transformation culturelle du travail.
Faire équipe : se comprendre et vouloir comprendre
Quand je suis arrivé, l’équipe était déjà en place. Certains sont là depuis très longtemps. Ils me font remonter des bruits de couloir, des rumeurs, qui peuvent constituer des signaux faibles. C’est important pour connaître la température. La température, on l’a de façon formelle avec les enquêtes, mais c’est important aussi de l’avoir de façon informelle. Ils m’ont également guidé pour comprendre l’environnement, les métiers, trouver le bon interlocuteur. Bref tout ce qui est essentiel dans un environnement professionnel.
Je me suis appuyé sur chacun d’eux. J’ai essayé d’adapter ce que je voulais faire aux appétences des uns et des autres. En tant que manager, je ne suis pas là pour privilégier telle ou telle personne. À l’inverse, je m’adapte. Par conséquent, j’aime bien aussi les personnes qui s’adaptent. Par exemple, il y a une phrase qui m’agace voire qui m’exaspère : « On a toujours fait comme ça ! » Ce n’est pas parce qu’on a toujours fait comme ça qu’il faut continuer comme ça. On peut aussi s’interroger sur pourquoi on le fait. Autre exemple qui me crispe aussi : « C’était mieux avant ! ». Il faut s’interroger si ce qu’on fait est toujours adapté au contexte qui est le nôtre. En fait, j’aime bien les personnes qui possèdent une palette d’appétences, de compétences et d’envies ; les personnes qui cherchent des solutions, qui sont prêtes à proposer des choses plutôt que de répéter toujours les mêmes recettes. J’apprécie les personnes qui ont envie de comprendre, de proposer, de s’investir.
J’ai des convictions bien sûr, mais la communication interne n’est pas une science dure. J’arrive donc rarement en affirmant quelque chose ou une façon de faire.
Je prends avis, j’écoute. Sauf sur la rédaction qui doit être simple, compréhensible, utile et sans faute d’orthographe !
Une fierté : le réseau de communication avec les régions
Mon département est rattaché à la directrice de la communication, qui elle-même est au comité de direction générale. Il y a aussi des directions de la communication dans toutes les régions. Ces équipes de communication ne se ressemblent pas forcément d’ailleurs. Les empreintes régionales ne sont pas les mêmes, et elles dépendent aussi de la personnalité de leur directeur. Bref, elles n’ont ni le même effectif, ni la même organisation, ni les mêmes moyens. Il était important pour moi de monter un réseau de communication pour capitaliser sur les bonnes pratiques et avancer en cohérence ensemble.
Dans ces grandes organisations, il faut de la patience. Je ne suis pas maître du temps car je dépends de ce qui est validé par la direction. Il faut donc beaucoup de patience. D’autant que les circuits de validation en communication interne sont plus longs que les circuits de validation en communication externe. Mais, j’ai la chance d’avoir une directrice de la communication qui est très bien positionnée dans la direction générale, qui est reconnue par ces pairs et cela aide beaucoup. Pour mon travail, je bénéficie de sa crédibilité et de son professionnalisme. Mon équipe et moi, nous sommes soutenus ; s’il n’y avait pas ce soutien, on ne ferait clairement pas les mêmes choses.
Dans mon équipe, certains ne voyaient pas trop l’intérêt de ce réseau. En revanche, les correspondants régionaux étaient super contents. Ils avaient enfin un réseau où ils pouvaient échanger entre pairs sur des sujets communs (RSE[1], RH, etc.). Il y avait aussi la crainte que le national bouscule ce qu’ils ont mis place. Mais ce n’est pas l’objectif. Ils sont professionnels ! Le réseau est l’occasion de partager, de mettre en place des pratiques facilitantes et cohérentes, de faire des choses ensemble. En ce moment, par exemple, deux correspondants régionaux ont décidé de développer leur newsletter. Ils échangent, partagent, s’épaulent mutuellement. Avec mon soutien, mais sans mon accompagnement. C’est leur projet. Voilà, ça c’est une fierté pour moi. C’est ce pour quoi le réseau existe.
Faire de la communication interne : du sens, de la confiance et la difficulté de l’information
Aujourd’hui, mon objectif premier est de donner du sens à l’action de l’organisation, d’accompagner son action au quotidien par de la communication. Donner du sens, cela signifie décrypter, prioriser l’information et mettre en avant les actualités qui ont un impact, valoriser les activités et les personnes. J’essaie d’être facilitateur. Je trouve qu’en communication interne, il y a beaucoup de coordination à faire entre les différents acteurs. Je suis toujours assez surpris de voir que, dans les organisations, les personnes se parlent peu et que plein de choses semblables sont faites en parallèle. C’est le rôle dans lequel je suis à l’aise ; faire des ponts entre les uns et les autres, faciliter et coordonner, accompagner pour donner du sens.
Au-delà des régions, j’ai aussi un autre point d’ancrage. Je travaille main dans la main avec les RH. Dès mon arrivée, j’ai pris contact avec eux et, aujourd’hui, on a trouvé le bon réglage. Le triptyque RH-stratégie-Communication interne est essentiel. Les RH restent quand même des partenaires privilégiés. Et puis c’est toujours une question de personnes et de rencontre, une question d’affinités. On sait se parler quand ça va bien, on sait se parler quand ça va mal. Il y a de la confiance entre nous.
Ce que je trouve difficile en revanche, c’est l’information. Je suis dans une structure qui foisonne d’idées et de projets. Du coup, l’information arrive de partout, c’est parfois compliqué de faire le tri, de prioriser, de savoir dire non. Il faut être à la fois réactif et prendre le temps de travailler les sujets, de les porter, d’être à la fois dans de l’opérationnel et dans le stratégique.
Des souhaits et des doutes
Ce que je souhaite à présent, c’est de développer une communication interne utile aux métiers. C’est aussi de continuer le développement de notre stratégie éditoriale, sujet très important pour moi. Cela signifie donc de mettre en place des process pour le faire. Je pense qu’il faut que les communicants internes soient à l’image de la communication interne : incarnés, simples, engagés et utiles.
Ma préoccupation est de toujours pouvoir être pertinent en communication interne. Depuis que j’ai démarré, je n’ai vécu que des révolutions. En termes d’outils, de codes, de sujets. Par exemple, les codes rédactionnels évoluent. J’ai l’impression de voir de plus en plus de fautes d’orthographe, même dans les médias nationaux. Pour moi, l’orthographe a un sens. Mais, si elle a du sens pour moi, a-t-elle encore du sens pour nos publics ? Au sein de l’équipe, on a souvent des débats sur le style : l’usage du tu, la multiplication des points d’exclamation, etc. Ce n’est pas mon style et je sais l’argumenter. On peut jouer la connivence, la proximité, mais il faut conserver une forme de respect de l’auditoire. Quelles seront les règles demain ?
Quand j’ai commencé en communication, il y avait des magazines papier dans lesquels il y avait des dossiers qui faisaient trois, quatre ou cinq pages. Aujourd’hui, on ne trouve plus du tout cela. Il faut que la forme soit plus compacte, plus immédiate ; du coup, c’est moins sur le fond aussi… Mais je reste persuadé que l’écrit est la base de notre métier. Il faut savoir faire un brief, exprimer des idées. Même aujourd’hui, il n’y a pas que la vidéo ou les podcasts. Un texte bien écrit vaut toujours mieux qu’une vidéo mal faite. Il faut savoir écrire des articles pour du print ou du web, écrire aussi des discours ou des podcasts. Je suis très interpellé par l’évolution des codes rédactionnels aujourd’hui et par le rapport à l’écrit.
[1].. Responsabilité sociale et environnementale.