Le récit d’Élise
Propos recueillis par Sophie Palès
J’ai intégré le Groupe il y a 10 ans, mais toutes mes expériences professionnelles depuis bientôt 20 ans, en agences ou chez l’annonceur, ont toujours eu un lien, de près ou de loin, avec le secteur de l’habitat. Aujourd’hui nous sommes plus de 10 000 collaborateurs à œuvrer pour développer des solutions d’habitat multiples (hébergement d’urgence, logement accompagné, social, intermédiaire, libre, résidence étudiants, jeunes actifs ou personnes âges, accession…).
Mon parcours peut sembler atypique mais avec du recul il me ressemble beaucoup. Après un BTS communication qui m’a permis d’apprendre les fondamentaux du métier et d’être rapidement opérationnelle, je savais qu’il fallait compléter ma formation pour prendre des responsabilités. A l’époque déjà le master était un sésame alors j’ai intégré une école supérieure de commerce : finance, marketing, management, stratégie d’entreprise et toujours communication… des sujets qui ne me prédestinaient pas à travailler pour l’intérêt général.
La révélation
Fraîchement débarquée à Paris à 23 ans pour mon stage de fin d’études chez un opérateur de téléphonie, je remplace au pied levé ma tutrice et développe un plan de communication BtoB pour approcher les bailleurs sociaux. Nous sommes en juin 2003, je participe pour la première fois au Congrès HLM. Sur fond de réforme du secteur, il est question de relance de la construction, de rénovation urbaine, de mixité sociale, d’amélioration des conditions de vie dans les grandes cités-ghettos, de concertation avec les habitants. Et là, c’est la révélation ! La bascule s’est faite en une journée. Donc voilà, je suis « tombée » dans ce secteur à ce moment-là et je ne l’ai plus quitté.
J’ai eu la chance de rejoindre un bailleur qui disposait d’une direction marketing et communication très professionnelle et qui portait une attention particulière au sens et à la justesse de chaque action. J’ai beaucoup appris au cours de cette période. Ce n’était pas si courant à l’époque car le secteur était majoritairement composé de petits acteurs qui ne disposaient pas souvent de profesionnel(le)s de la communication, … et surtout, il y avait peu de budget. Mais ça c’était il y a 20 ans, ça a quand même beaucoup changé !
Au bout de trois ans, j’ai voulu découvrir le monde des agences pour monter en puissance. J’ai démarré comme cheffe de projets dans une agence de com publique. Je commençais déjà à être identifiée sur les questions d’habitat, d’aménagement du territoire, de logement social, etc. Ensuite j’ai choisi de prendre un poste dans une agence de com RH, avec l’opportunité de manager une petite équipe. J’ai découvert d’autres secteurs, la banque assurance, l’industrie, le retail, tout en essayant de développer mon portefeuille avec des acteurs de l’habitat.
Faire ses preuves et développer l’équipe
Je suis arrivée ici après avoir été chassée par un cabinet de management de transition pour un poste de responsable communication interne, périmètre que j’ai élargi rapidement.
Je m’entendais très bien avec le DRH de l’époque et j’ai énormément poussé la com RH et la com interne pour aller au-delà du simple journal interne et de l’intranet. La culture du mode projet, la posture conseil, acquises notamment en agences, j’ai cherché à les diffuser et à leur donner corps en proposant de nouvelles façons de travailler, en créant par exemple le premier cercle de réflexion composé de 40 cadres venus de toutes nos filiales, de tous les métiers. Aujourd’hui ça paraît très banal mais il y a 8/10 ans les techniques d’intelligence collective c’était très nouveau pour nous !
Avec les départs et les réorganisations, Céline qui était alors directrice adjointe a été promue au poste de directrice de la communication. Quand elle m’a proposé de devenir adjointe, nous avons mis en place un vrai binôme de direction. On a mis en place ensemble de nouvelles manières de travailler, ouvert de nouveaux axes de communication et renforcé la logique de filière avec les communicants en régions et dans les filiales. L’équipe s’est étoffée au rythme du développement du Groupe et des nouveaux sujets : de 7 personnes au départ nous sommes aujourd’hui plus d’une vingtaine à Paris ! Dans les territoires, les équipes sont progressivement mieux formées, plus dédiées à la communication. C’est notre défi du moment : développer la filière, la professionnaliser.
D’ailleurs, la communication est revenue au Comex depuis peu. Car quand Céline a pris son poste, la fonction est sortie de cette instance. Il a fallu qu’elle refasse ses preuves. Petit à petit on a œuvré pour retrouver cette place, en coopérant avec les directions, en proposant de développer des projets au service de la stratégie du Groupe, parfois au-delà de notre périmètre. C’était important pour nous car quand la communication est au Comex cela permet de questionner le pourquoi des décisions et des messages à faire passer – même si c’est difficile – de confronter ce que les dirigeants veulent dire à la réalité et à la recevabilité de leurs messages : c’est là toute la difficulté de la fonction mais aussi sa grande valeur ajoutée ! Sur ce volet, c’est Céline qui est à la manœuvre mais j’interviens en appui auprès d’elle. On travaille de manière équilibrée et on peut se remplacer lorsque l’autre est absente. On se dit souvent, que pour que ce type de duo fonctionne, il ne doit pas y avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous.
« J’ai un peu l’impression d’être cheffe d’usine »
Quand j’ai commencé dans le métier, j’ai connu deux styles de management. Le premier, bienveillant, protecteur, cadrant, nécessaire pour la jeune professionnelle que j’étais. Puis en agences, c’était plutôt « je te donne une bouée et tu sautes ! ». C’était finalement très stimulant et ça répondait bien à mon besoin d’ouverture à la nouveauté et mon goût pour la prise de risque. Aujourd’hui, j’essaie d’adapter mon management, en donnant le cadre mais en essayant d’ouvrir le champ pour que chacun donne le meilleur de soi, et en essayant d’accompagner les parcours de carrière, dans la direction, dans le Groupe et parfois même ailleurs… ce n’est pas toujours simple à assumer mais nécessaire pour garder une équipe mobilisée.
Même si j’essaie de ne pas trop m’immiscer dans la manière dont les managers gèrent leur équipe, cela représente 35% à 50% de mon temps. Enfin là, en période d’entretiens d’évaluation c’est plutôt 70% ! En pratique, je travaille les feuilles de route et les bilans, le plan de charge, je veille à ce que les projets sortent en temps et en heure, dans le budget, à ce que dans l’équipe il y ait les bonnes interconnexions entre pôles, avec toute la filière com, et avec les directions « clientes ». A certaines périodes de l’année, j’ai un peu l’impression d’être cheffe d’usine : le temps est compté pour tout le monde, il faut avoir l’œil pour déceler le moindre grain de sable dans le mécanisme.
« Développer la proactivité, la créativité, la capacité à proposer des nouveaux dispositifs »
J’ai aussi mes sujets en propre. C’est important pour moi, cela me permet de faire ce que je préfère, concevoir de nouveaux dispositifs, défricher les nouvelles tendances, élargir le champ. Généralement ce sont des projets qui ne répondent pas à une commande précise mais que nous voulons pousser d’un point de vue stratégique. Je peux aussi prendre la main au moment du lancement de projets un peu complexes pour décharger les responsables de pôles quand ils ont « la tête dans le guidon » et les aider à prendre de la hauteur. Et une fois les choses bien mises sur les rails, je passe la main. C’est comme ça que nous avons réussi à sortir des projets comme la marque employeur, l’ambassadorat de nos collaborateurs sur les réseaux sociaux, le porte-parolat interne.
J’essaie aussi de développer une culture agence. C’est là que j’ai vraiment appris le métier. Pour développer la proactivité, la capacité à proposer des nouveaux dispositifs aux directions « clientes » et pas seulement répondre à des demandes. Je suis certaine que c’est comme cela que la com, et la com interne en particulier se positionne à un niveau plus stratégique. C’est pour cela que nous avons essayé d’organiser l’équipe un peu comme une agence de communication, en travaillant sur notre vision et notre positionnement. Et pour pousser des sujets plus larges. Aujourd’hui on vient plus souvent nous chercher pour réfléchir à la genèse d’un projet, alors qu’avant nous passions notre temps à raccrocher des projets en cours de route, dans une posture instrumentale. On perdait beaucoup de valeur ajoutée, et beaucoup de temps.
« Il faut lutter contre cette infobésité et ce manque de perspective éditoriale»
Ce qui me pèse parfois ce sont les commandes expresses d’outils qui ne sont pas toujours les plus efficaces : plaquettes, vidéos et newsletters ne sont pas forcément le combo gagnant ! Alors on essaie de convaincre, statistiques à l’appui, pour proposer d’autres dispositifs. Ce n’est pas toujours très bien reçu mais c’est notre rôle… de toutes façons, si nous n’adoptions pas cette posture, on finirait par nous le reprocher.
Nous sommes encore souvent attendues pour produire des contenus à tour de bras et à ne pas pouvoir s’en défaire : une « petite » vidéo, un « petit » communiqué, un sujet « prioritaire » qui doit être à la Une de l’intranet… . Il faut lutter contre cette infobésité et ce manque de perspective éditoriale, rééquilibrer les choses et réintégrer davantage de formats longs, lents, qui prennent le temps de l’analyse, le temps du récit. Je plaide aussi pour mettre plus de monde autour de la table, mettre au jour des situations et des acteurs, pour réfléchir en profondeur… même si le temps n’est pas toujours notre allié. Il faut savoir être vigilant pour arriver à développer une vraie gouvernance éditoriale.
Il y a quelques années je tirais une certaine fierté de métier à livrer une recommandation clé en main, en me disant que cela allait faciliter le travail de mon interlocuteur ; en fait, je me suis aperçue que, sur le long terme, ça peut créer du désengagement et ça ne permet pas de construire une stratégie dans la durée. Ce qui m’intéresse c’est de pouvoir faire un vrai travail d’accompagnement, de transformation, de positionner la com en conseil.
« D’une approche par public à une approche autour d’axes de travail »
Notre avenir se situe du côté de la prise en main des sujets qui n’ont pas encore trouvé toute leur place dans les modes de travail, l’innovation, le travail autour des communautés qui peuvent produire leur propre contenu, l’hyper-personnalisation de la relation avec nos publics et l’authenticité de nos messages. C’est vivifiant ! Et je constate qu’il y a une attente des différentes équipes d’être accompagnées. A nous de nous professionnaliser sur ces sujets qui sont encore nouveaux pour nous…. Ce serait l’occasion de passer d’une approche par public et outil, à une approche autour d’axes de travail, l’engagement par exemple, pour mieux s’ajuster à la porosité des publics et contenus. J’aime bien réfléchir à ces questions d’organisation d’équipe !
« Un avenir dans l’intérêt général, toujours »
Je ne sais pas encore vraiment où je me vois demain… Je suis attachée à cette entreprise, à ce secteur et plus globalement à tout ce qui touche à l’intérêt général. En plus, j’ai conscience qu’une relation de travail de cette qualité avec mon manager est rare. Chaque année, je me fixe le défi de porter la com vers de nouveaux sujets, qui emmènent l’équipe plus loin, et l’entreprise par la même occasion : l’approche ROIste de nos actions (l’éternelle question !), la communication responsable, l’IA, … les sujets ne manquent pas ! Mais j’aimerais continuer à me former, en autodidacte ou via une formation longue durée, dans le domaine de la RSE par exemple, un sujet très technique et complexe si l’on veut aller au fond des choses !