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Le récit d’Anne

Récits de métier
15 mars 2024

« Comprendre, c’est probablement le verbe le plus important en communication interne »

Anne

Responsable de la communication interne d’un grand distributeur du nord de la France

Là est mon métier

Avec le temps, je n’ai pas l’impression de faire un métier très technique. Il repose beaucoup plus sur une intelligence de la situation, une capacité à comprendre, à prendre du recul pour analyser ce qui se joue. Quels sont les acteurs engagés ? Qui prend la parole ? Comment accompagner nos dirigeants ?  Que veut-on faire comprendre aux salariés ? C’est ce travail de coordination et, derrière, de recommandation qui est le cœur de mon savoir-faire.

Il faut parfois savoir dire non, et ce n’est pas le plus facile, quand on vient me voir en me disant : « Mais il faut absolument que la direction générale prenne la parole, c’est un sujet très important pour la boîte ». En fait non, la DG n’a pas à s’exprimer au vu du contexte et nous trouvons une autre solution. C’est un peu la même chose quand on me sollicite pour une expertise de communication et que celui ou celle qui vient me voir a déjà décidé que ça devait finir par un Powerpoint ou une vidéo. La plupart du temps, je commence par décevoir mes interlocuteurs en les questionnant : « Tu veux parler à qui ? Pour lui dire quoi ? Avec quelle intention ? Le tout est de faire comprendre à travers le questionnement que l’important c’est d’évaluer le besoin de communication par rapport à leur sujet et que la forme et le support viendront ensuite. En général, ça ouvre les yeux. « Alors, on fait quoi ? », me disent-ils. Et là, on réfléchit ensemble à la meilleure réponse de communication. Je considère que là est mon métier.

Ce métier de responsable de la communication interne, je le pratique aujourd’hui au sein d’un grand réseau de distribution en France (145 magasins). Mon équipe fait partie de la direction de la communication interne et institutionnelle, elle-même rattachée à la DRH de l’entreprise. Dotée d’une culture qui prône partage, autonomie, responsabilisation, il y a dans cette boîte un engagement assez exceptionnel qui donne tout son sens à mon travail de communication interne. J’y suis maintenant depuis six ans et le choix de la communication interne pour moi n’a pas été le fruit du hasard.

Le tour du monde de la com’ avant de choisir la communication interne

Cela fait vingt ans que je bosse dans la communication. Après une hypokhâgne, Sciences Po et un master en communication des entreprises et des organisations, je savais réfléchir et écrire, mais je me sentais un peu manchotte lors de mon premier stage à la direction de la communication d’une grande entité publique. Pour mon stage final en alternance, j’ai opté pour le monde de l’entreprise, la direction de la communication d’un groupe hôtelier. En fait, j’y suis restée treize ans pour y faire trois métiers. J’ai commencé par le pilotage et l’animation éditoriale du portail de l’entreprise, un portail intranet monde. C’était avant Facebook, donc très descendant. Un boulot de journaliste d’entreprise, mais quand même un peu dans sa tour d’ivoire. Au bout de cinq ans, j’ai basculé dans la partie éditoriale externe et interne. Je me suis occupée du rapport annuel. J’en ai fait quatre. Personne ne les lisait, mais c’était passionnant à faire. J’ai travaillé en même temps sur les médias internes, notamment un magazine papier en sept langues. Enfin, comme j’avais pas mal travaillé sur l’écriture de la stratégie et que je souhaitais découvrir le métier des relations presse, on m’a proposé de rejoindre le service de presse corporate pour m’occuper, notamment, de la prise de parole des dirigeants, en particulier la préparation des interventions externes du PDG. J’ai découvert un métier totalement nouveau et un autre rythme.

Au bout de trois ans, un enchaînement de circonstances personnelles et un déménagement m’ont fait choisir la communication interne dans ce groupe de la distribution du nord de la France. Un univers marqué par l’entrepreneuriat social où le plus important est ce que l’on fait plus que ce que l’on dit. Au départ, j’ai été recrutée sur la dimension communication managériale et j’ai rejoint une équipe de séniors avec une solide expertise de communication polyvalente. Le Covid et le besoin de développer une communication institutionnelle plus forte et visible, notamment à des fins d’attractivité, ont fait évoluer l’organisation de l’équipe autour de pôles bien distincts vers nos différents publics interne, externe et un studio graphique. Le pôle communication interne que je dirige depuis deux ans a trois activités bien marquées : la communication managériale, la communication grand-public interne autour de l’engagement, notamment via une plateforme interne tous salariés et enfin la communication opérationnelle autour des usages et des gestes métiers de la communication pour améliorer la circulation de l’information.

Entre rituels et pratiques

Dans mon équipe, nous avons des rituels de travail. Je fais une réunion chaque lundi matin. Cela dure une heure et on s’y tient. Nous sommes quatre, plus une alternante. Toutes des filles. On fait une revue d’activités, chacune vient avec l’avancée de ses projets, ses sujets, ses problèmes. Un nœud à démêler, une demande spécifique : « Sur ce coup-là, j’ai besoin de toi ». C’est à la fois un moment où on se coordonne, où on s’aligne, où on crée des ponts entre nous et où on dénoue les choses. Si on n’arrive pas à le faire dans cette heure-là, on se reprend individuellement un rendez-vous. Ensuite, j’ai des temps réguliers avec chacune dans mon équipe pour parler management, développement, posture et bien sûr activité au quotidien. Et puis, tous les quinze jours, on a un moment en grande équipe, c’est-à-dire avec toute la direction qui comprend outre ma partie interne, la partie institutionnelle et le studio de production en commun. Il y a des temps d’échanges particuliers avec ce dernier. On a aussi un comité éditorial qui doit nous permettre d’ajuster et de mettre en cohérence le traitement de nos sujets tant à l’externe qu’à l’interne. Il devrait être hebdomadaire, mais on a du mal à tenir les échéances. Pour le reste, mon travail est fait d’un enchaînement de rendez-vous à propos des contenus, des plans de communication ou de la mise en place de tel ou tel dispositif. J’oscille entre de la prod très opérationnelle et des questions stratégiques qui nécessitent de poser des intentions et de questionner les besoins de nos cibles pour assurer la justesse et la valeur de nos dispositifs. L’accompagnement et le conseil aux personnes qui nous sollicitent sont une part notable de mon travail et de celui de mon équipe.

La communication managériale est une dimension très importante de notre activité. Dans cette entreprise, le manager est le premier média interne. C’est lui qui fixe le cap, priorise et transmet la stratégie de l’entreprise à ses équipes.  Il n’est pas recruté sur ses aptitudes métier, mais sur ses aptitudes à développer les gens, à développer ses équipes, à développer un climat social. Pour l’équiper et lui faciliter son management, notre dispositif repose sur l’animation d’un média et des rituels de synchronisation avec la communauté managériale. Nous animons un live tous les mois avec les managers pour évoquer des grands projets, des sujets métier, des questions sociales. L’enjeu est de les équiper en termes de savoir et de compréhension pour faciliter leur animation managériale. Le rôle de la communication interne est d’arriver à articuler les besoins des métiers, les attentes du terrain en gérant bien la mise à l’agenda des sujets. Je fais parfois de la régulation. Il m’arrive d’être confrontée à des patrons métier qui me pressent d’aborder leur sujet, à leurs yeux le plus important du moment, et je suis amenée à leur dire « D’autres sujets sont prioritaires en ce moment ».  On fait aussi de l’événementiel puisqu’on réunit tout le top management une fois par an pendant trois jours et, dans le comité de pilotage, il y a toujours des managers opérationnels. L’enjeu majeur, c’est la justesse des sujets. Quand on a une question, quand on a un doute, on sollicite directement nos cibles pour identifier une problématique, valider des sujets, tester un dispositif avec trois ou quatre managers.

Garder le contact, comprendre, se renouveler

Mon vrai sujet en communication, c’est de garder le contact avec le terrain. Il y a toujours le risque de s’éloigner des besoins. Donc, il y a des réglages à faire. Avec mon équipe, nous sommes en lien avec les membres du COMEX, les équipes des fonctions supports et des magasins que nous faisons témoigner régulièrement. J’aimerais être encore plus connectée à leur besoin pour être plus utile. C’est une vraie spécificité de notre métier que d’avoir cette étendue de connexions. Cela nous permet de comprendre l’entreprise, à la fois de savoir d’où elle vient et de savoir vers quoi elle va.

J’ai fondamentalement besoin de comprendre, c’est ce qui me nourrit. Comprendre, c’est probablement le verbe le plus important pour moi en communication interne. Mais en même temps, il faut atterrir.  Comprendre pour bien raconter, comprendre pour sélectionner les bonnes histoires et sujets à pousser aux collaborateurs dans le bon format. Nous avons un métier de mots et d’images, de fond et de forme qui doivent se rejoindre pour créer de l’impact : faire comprendre, saluer, rendre fiers tous ceux qui chaque jour développent l’entreprise. Et les engager dans son projet humain et métier, pour construire l’avenir. D’où l’équilibre constant à trouver entre vision stratégique et atterrissage opérationnel. Parfois, ça donne le vertige. Dans un univers professionnel toujours en mouvement, est-ce qu’on comprend suffisamment bien les choses ? Est-ce qu’on arrive soi-même à se renouveler ? Il y a des doutes parfois, on a l’impression de louper des trucs. C’est peut-être lié à mon tempérament, mais je vis intensément cette tension professionnelle.

Les bons gestes

Ce que m’a appris le métier, c’est qu’on ne peut plus penser vertical. Ce n’est pas possible. Tout est interconnecté, tout vit dans un contexte. Quelqu’un qui réfléchit personnellement et dit quelque chose sera interprété par d’autres, mais en fonction de leur contexte. Le travail du communicant, c’est de réussir à doser tout ça dans une complexité d’organisation, d’environnement. Il faut à la fois se mettre à la place de l’autre et prendre des décisions en choisissant des axes, des contenus simples et pour tous.

Je suis persuadée que la communication interne est un puissant levier de performance, y compris du point de vue business. La valorisation des bons gestes du communicant participe du leadership du métier. Je sens qu’on a besoin de ça en ce moment.

 

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