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Le récit de Claire

Récits de métier
1 mars 2024

« Notre mission essentielle est de créer du lien pour favoriser la cohésion interne »

Claire

Cheffe de projet communication dans l’administration publique

Je suis cheffe de projet communication dans l’administration publique. Il s’agit d’un métier transverse liant communication interne (80 % du poste) et externe, donc de la communication à 360°. Je fais de la gestion de projets de A à Z, à un niveau supérieur à celui de chargée de communication interne, poste que j’occupais auparavant. Je suis rattachée à un directeur opérationnel. Nous sommes environ 300 dans la structure. Dans les faits, je suis responsable com : je fais de l’opérationnel, du conseil et de l’accompagnement. Mais on ne m’a pas donné ce titre car je n’ai personne en dessous de moi. Ma véritable manager est la cheffe du pôle auquel je suis rattachée.

J’ai terminé un Master 2 en management des organisations, en me spécialisant en communication, dans une l’Université francilienne, il y a quelques années puisque je n’ai pas encore 30 ans. Auparavant, j’avais commencé, en France, un DUT en techniques de commercialisation, complété par un diplôme à l’étranger de niveau Bac +3, puis suivi d’une licence en administration économique et sociale (AES), spécialisée en marketing, pour obtenir une équivalence. Le Master 1 concernait le management des organisations de façon très générale, tandis que le Master 2 était entièrement axé sur la communication. Tous les métiers de la communication y étaient enseignés. J’ai eu une sensibilisation aux approches théoriques dans le DUT, mais le Master 2 était centré sur les projets digitaux ou événementiels. J’ai suivi ce Master en apprentissage, ce que je conseille fortement. Cette forme d’enseignement m’a permis de mettre en pratique tous les cours. Ensuite, quand on travaille, c’est comme pour le permis de conduire, le terrain n’est pas toujours identique à la théorie, même s’il s’en rapproche… En abordant les choses plus en profondeur, on comprend mieux ce que les professeurs ont en tête. Par exemple, dans la vie réelle, le plan de communication appris en cours n’est pas aussi scolaire et va souvent plus loin.

Dans ma fonction actuelle, je bénéficie d’une stratégie de communication bien cadrée, créée en même temps que l’entité, mais qui se périme et évolue très rapidement. Aujourd’hui, je suis hors du cadre de la stratégie initiale. Je dois impérativement contribuer à la mettre à jour, car l’environnement et les gens ont changé. Le digital est arrivé, puis le Covid-19. Les gens pensent et travaillent différemment. Il faut donc mettre à jour la stratégie globale de l’entreprise. Ensuite, il va s’agir de décliner cette stratégie par rapport aux objectifs fixés. Notre nouveau directeur est arrivé il y a peu et les travaux commenceront bientôt. C’est moi qui devrai tout gérer ensuite. La stratégie, c’est important. Chaque événement que je mets en place doit être justifié par rapport aux objectifs définis dans la stratégie, afin d’argumenter, convaincre, et suivre la ligne directrice.

Tous les jours sont différents, mais ils se passent beaucoup en réunion. Nous avons d’abord des réunions de coordination avec mon collègue. La cellule de communication à proprement parler est composée de mon collègue ingénieur et de moi-même. Nous sommes tous deux au même niveau. Nos périmètres sont différents, mais complémentaires. Je m’occupe de tout ce qui est conseil, accompagnement, stratégie, édito, événementiel. Mon collègue agit sur le plan de la création, des outils et des aspects techniques. Étant donné que j’interviens sur tous les sujets, nous faisons des points d’équipe chaque semaine. Il faut constamment informer en interne, afin que chacun ait la même information au même moment. Par exemple, je peux proposer de faire un article sur le portail de communication interne pour le relayer ensuite dans la newsletter.

Pour relayer les informations qui viennent du sommet de la structure, j’utilise principalement le portail de communication interne, à travers des articles que je publie régulièrement puis relaye dans une newsletter mensuelle. Nous utilisons très peu l’email, sinon pour les inscriptions ou les appels à volontaires sur des projets. L’information est donnée en comité de direction. Notre objectif, en tant que communicants, est de responsabiliser les directeurs et les managers des différentes divisions. Pour ce faire, nous produisons principalement des articles, parfois des affiches et des flyers, même si nous tentons de minimiser l’utilisation du papier. Les principaux outils restent le portail de communication interne et la newsletter. Lors du point d’équipe du lundi matin, je suis très à l’écoute quant aux informations remontées provenant du comité de direction auquel ma manager a assisté. A partir de là, je rencontre les chefs de projets pour déployer la com interne sur des points précis.

En ce qui concerne l’écoute de ce qui remonte du terrain, je ne suis arrivée à ce poste que depuis quelques mois, mais j’aimerais lancer une enquête interne sur la façon dont l’information est perçue et réceptionnée à travers un questionnaire.

Le COVID et après…

Le COVID a changé beaucoup de choses. Avant, le télétravail n’existait pas. Nous l’avons découvert alors que les agents n’étaient pas du tout équipés. Il a fallu que mon organisation soit très réactive pour équiper les plus de 1000 agents de l’entité mère en ordinateurs portables. Il a donc fallu accompagner ce grand changement. Des formations au télétravail ont été mises en place. De plus, les managers ont dû apprendre à avoir confiance en leurs salariés. Cela s’est passé différemment selon les managers et les salariés des entités opérationnelles. Au début, certains ont joué le jeu, quand d’autres faisaient tout sauf travailler. Il en va de la responsabilité de chacun. Cela dit, le télétravail s’est pérennisé à hauteur de deux jours par semaine. Aujourd’hui, cela se passe très bien. Pour ce qui est de la communication, la newsletter a été créée à cette occasion, afin que l’information soit plus récurrente, moins éparpillée, et plus globale. L’intranet a également beaucoup évolué. Pour ce qui est des réseaux sociaux, nous utilisons LinkedIn mais aussi Tchap, la messagerie instantanée de l’administration, une sorte de WhatsApp dédié à l’État. Nous pouvons échanger entre deux personnes ou créer un groupe. J’ai beaucoup communiqué dessus pour faire en sorte que les gens installent l’application mobile. Au sein de mon ancienne entité, j’ai gagné plus de 200 personnes en deux ans. Il s’agit de créer des habitudes pour que les gens adhèrent au produit.

Pour moi, la fonction communication interne est très centrée sur le social, le lien, le contact avec l’humain. Par conséquent, il est important d’apporter une touche de jovialité, afin de contribuer au bien-être au travail. Ce métier demande de faire les choses pour les autres et d’être à leur écoute. De façon formelle ou informelle, les gens se confient naturellement à moi. À mon sens, ce métier est très lié à la personnalité. Le communicant interne doit aller vers les autres et ne doit pas être introverti. Notre mission essentielle est de créer du lien pour favoriser la cohésion interne. Je me sens le conseil de tout le monde : des chefs de division, de la direction, des RH. J’apporte mon expérience à tous les niveaux.

Vis-à-vis des RH, notre fonctionnement dépend beaucoup de la personnalité des uns et des autres. Je peux faire remonter des informations au pôle RH pour les mettre en garde sur certains points. Nous nous rencontrons une fois toutes les deux semaines, pour des questions de coordination. Ils gèrent des processus plus formels que les nôtres. Nous leur apportons de l’information, de l’écoute, des conseils. Tout à l’heure, je les ai contactés pour leur demander d’arrêter d’envoyer trop d’emails. L’information doit, en général, passer par l’intranet. En cas de sollicitation, je leur ai demandé de me prévenir en amont, afin que les agents ne reçoivent pas trop d’informations en même temps.

Avec les managers de proximité, c’est compliqué, car ils se sentent souvent submergés. Ils ont l’impression d’avoir beaucoup trop de travail pour avoir le temps de faire redescendre l’information à leurs équipes… et ils la gardent pour eux. Ils finissent par oublier cette mission. Nous tâchons pourtant de bien les informer pour faire passer nos messages auprès d’eux, afin qu’ils soient en mesure de les relayer auprès de leurs équipes. Je tente de leur faire comprendre à quel point cette démarche est importante, car ils jouent un rôle important en tant que relais de l’information. Les agents font confiance à leurs managers. La façon dont ils vont communiquer le message est très impactante.

J’ai organisé un événement de cohésion interne en septembre. J’ai dit aux managers de relayer afin que leurs équipes s’inscrivent. Malgré l’importance de l’événement, beaucoup n’ont pas fait passer le message. C’est parfois très compliqué, car cela doit ensuite passer par la direction. Il s’agissait en l’occurrence d’un événement de cohésion durant un après-midi sur la thématique d’une émission de télévision qui met en concurrence plusieurs équipes. Pour organiser cet événement, j’ai trouvé un lieu clé en main. Le programme : un discours de la direction, un déjeuner et des activités en équipe. Mon objectif était de mélanger les équipes de chaque division pour casser les silos et faire en sorte que tout le monde se rencontre. J’ai constaté que les gens ne se connaissaient pas, alors qu’ils travaillent au même endroit. Tout le monde m’a félicitée, j’étais très contente.  Alors que je suis en poste depuis peu de temps, j’ai été identifiée à 100 % comme référente en communication. Nous avons passé un très agréable moment, très informel, hors du travail. Nous avons appris à nous connaître. Et les gens ont vu que je n’étais pas méchante ! Est-ce que cela a permis aux uns et aux autres de mieux connaître leurs métiers réciproques ? Sans doute, pas vraiment.  Pour cela, il faut faire des reportages, des focus, mais aussi que les gens prennent le temps de consulter l’information. Peut-être faut-il aussi mettre en place des « Vis ma vie » dans les divisions. Il y a beaucoup de choses à faire, mais les gens n’ont jamais le temps. C’est le grand problème…

Ecrire des articles, aller sur le terrain « pour voir si les gens vont bien » …

Sinon, dans une journée classique, je fais beaucoup d’éditorial. J’écris des articles… Mais je passe aussi beaucoup de temps dans les bureaux pour voir si les gens vont bien. Une sorte d’enquête de terrain permanente. Et je suis plutôt bien accueillie.

Une journée qui s’est bien passée ? Je citerai une opération en com externe. J’ai accompagné mon directeur de A à Z dans la réalisation d’un article de presse pour un magazine en ligne. J’ai géré le rendez-vous, j’ai constitué les éléments de langage et je l’ai entraîné deux fois. Le jour J, j’étais avec lui et le journaliste. Mon binôme était également présent pour prendre des photos des coulisses. Ensuite, j’en ai fait un article de communication interne destiné aux agents. Un autre exemple, aujourd’hui, j’ai organisé un événement de cohésion, qui a lieu tous les mois, durant lequel on court et on parle sur une distance de 8 kilomètres, de 8 h 30 à 9 h 30. Nous avons plus d’une trentaine de participants. Après cela, j’ai eu une réunion avec ma manager pour qu’elle suive ce que je fais au quotidien, c’est-à-dire les projets que je suis et que je mets en place. Nous avons également parlé budget, afin que je sache où nous en sommes et que je programme le prochain événement des vœux en interne. Ensuite, nous avons déjeuné avec les chefs de division et le directeur adjoint – selon moi, les déjeuners sont très importants pour créer du lien. Enfin, j’ai finalisé ma newsletter interne que j’ai envoyée à tout le monde, puis j’ai toqué aux portes pour convaincre mes collègues de s’inscrire au concours d’éloquence que nous organisons. J’ai déjà réussi à motiver trois personnes, donc je suis très contente. Ce concours a été créé l’an dernier. Nous avons décidé de créer le nôtre sur le modèle du concours d’éloquence organisé par Orange et Vivendi. Le concours s’articule en trois étapes : un pitch de deux minutes, un autre de trois minutes et un dernier de cinq minutes. La première étape décline un sujet d’actualité, au choix, avec un coup de gueule ou un coup de cœur. Les deux autres sujets sont proposés par les agents sur un thème imposé, en lien avec l’activité de l’organisation. Les participants sont accompagnés, avec un corpus documentaire, puis une formation sur la prise de parole en public. Enfin, un collègue pratiquant le théâtre donne des conseils aux finalistes.

Une journée qui se passe mal ? C’est tellement rare que rien ne me vient en tête, car je suis de nature optimiste. Je relativise et je positive tout le temps.

Mon avenir, je le vois dans la com, car ce métier me convient totalement. J’adore ce que je fais. D’ailleurs, je préfère la com interne à la com externe. Ayant commencé en apprentissage dans cette structure publique, même si j’ai changé d’entité, je compte rester dans la même maison, tout en mettant en place de nouvelles actions de com continuellement. J’ai déjà progressé puisque je suis passée de chargée de com interne à cheffe de projet communication.

En termes d’évolution, le poste de manager pourrait me plaire. Cela dit, ma vie privée est importante, et la vie est courte, donc je ne veux pas me retrouver dans un poste absorbant tout mon temps, comme beaucoup de responsables de communication. Je n’ai pas encore été amenée à faire de la gestion de crise, mais je sais que pour les Jeux olympiques je vais être amenée à faire de la réserve et de l’astreinte. En somme, je n’aspire pas à un poste de responsable « pur et dur » dans une grosse entreprise.

Par ailleurs, je reste pour le moment réticente à aller dans le privé. Le public fait partie de ma personnalité. Il n’y a pas d’enjeux d’argent derrière. Je supporte mal la pression permanente et je n’aime pas perdre le contrôle. Je préfère avoir le temps d’anticiper. Pour autant, il faudra bien que je mette un pied dans le privé, ne serait-ce que d’un point de vue financier, mais aussi pour me diversifier. Pour l’heure, je ne suis pas fonctionnaire, mais contractuelle sur trois ans. J’entame mon deuxième contrat en CDD. Manager de jeunes apprentis stagiaires : pourquoi pas, mais en restant communicante.

Pour résumer, le relationnel est très important dans le profil d’un communicant interne. Il est essentiel d’aimer les gens, car nous sommes très sollicités. Pour faire passer des messages, il faut être à l’écoute et savoir s’adapter à des gens très différents, tout en allant régulièrement sur le terrain. Selon moi, il est nécessaire de vaincre sa timidité pour capturer les informations. En quelque sorte, il s’agit d’être la petite souris de l’entreprise. En somme, relier plutôt que relayer, comme disent certains.

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