Le récit de Paul
Propos recueillis par Emmanuelle Myoux
Je suis responsable du pôle marque employeur dans le secteur du transport, depuis plus de six ans. Après un parcours universitaire classique, complété par la suite par une formation à Sciences Po, j’ai rapidement intégré le monde de la radio, ma passion à l’époque, en tant que journaliste et producteur délégué. Puis celui de la télévision. Après vingt années passées dans l’audiovisuel, j’ai décidé de bifurquer : j’avais fait le tour de la question. En tant que journaliste, je m’étais découvert une autre passion, pour le monde des transports, et notamment le transport aérien, que je trouve aujourd’hui encore magique !
Faisant le constat qu’il était temps d’explorer d’autres horizons, j’ai candidaté, de manière spontanée, pour cette entreprise. Hasard du destin ou coïncidence, elle cherchait précisément à recruter. Après quelques discussions le PDG alors aux commandes avait peur que, venant du monde de la presse, je m’ennuie et les doutes dissipés, je me suis lancé dans cette nouvelle aventure. Douze ans plus tard, l’intérêt est toujours aussi fort !
Assez naturellement, j’ai d’abord piloté le service veille et argumentaires, puis adjoint du service presse, avant d’endosser mes fonctions actuelles. Je reporte directement au directeur de la communication. Notre direction comprend différents pôles : presse et influence, communication internationale, marques, communication opérationnelle et, bien sûr, marque employeur. Mon pôle a sous sa responsabilité la communication interne ainsi que les sujets de marque employeur, c’est-à-dire l’ensemble des actions engagées à destination de l’interne pour fidéliser ou pour attirer de nouveaux talents. Au sein du groupe, la direction de la communication est considérée comme stratégique et, à ce titre, siège au comité exécutif, sous l’égide du PDG.
Diversité des profils et des missions
Le point saillant de ma profession ? Garder en tête la diversité des profils auxquels les communications internes sont destinées. On a parfois tendance à orienter les messages et les supports pour les cadres du siège. Or, une grande partie des équipes sont à la fois opérationnelles et sur le terrain ! Les usages en matière de consommation de l’information ne sont pas les mêmes, ni, l’accès à un poste de travail. Cette diversité de profils et, par ricochets, d’usages, crée une grande diversité de missions en matière de communication interne. Ça tombe bien, je déteste la routine et c’est précisément cette diversité que j’apprécie particulièrement dans l’exercice de ma profession.
Imaginer des nouveaux formats, participer à la conception de l’intranet au niveau groupe, organiser un événement à destination des managers, favoriser la rencontre en interne, élaborer des plans de communication : mon quotidien est ponctué de défis et c’est ce qui en fait le sel et la richesse. Il n’y a pas de journée type, chacune comporte son lot de nouveautés. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de rendez-vous récurrents : la newsletter, l’animation des réseaux sociaux d’entreprise, la coordination des contenus publiés en interne et l’accompagnement de la communication managériale. En tant que chef d’orchestre, je vérifie la cohérence de ces différents pans. Si je devais établir la composition de mon poste, je dirais que c’est 30 % de management, 30 % de relecture et de validation puis 30 % d’affaires courantes, c’est-à-dire de relations avec les autres directions et de réunions, qui prennent, il faut bien le dire, beaucoup de temps.
Après cela, il reste 10 % pour penser et formaliser la stratégie et la communication interne de demain, ce n’est pas assez. Car c’est un vrai sujet, qui mérite d’être non seulement abordé mais aussi anticipé : je suis convaincu que nous sommes à l’aube d’une approche servicielle de la communication interne. Aujourd’hui, la logique est encore très informationnelle. Pourquoi cette conviction ? Déjà, car la porosité entre l’interne et externe est un fait avéré, ensuite en raison de l’infobésité, source d’anxiété pour une grande partie des collaborateurs. Une approche servicielle va de pair avec l’évolution du rapport au travail : l’entreprise doit offrir un certain nombre de services à ses salariés pour limiter la fuite des talents !
“Ma plus grande fierté est d’avoir redoré le blason de la communication interne au sein du Groupe”
En quelques années, j’ai vu le métier changer. Je suis assez fier d’avoir contribué à redorer le blason de la communication interne au sein de l’entreprise où j’exerce. Le covid a bien sûr contribué à la prise de conscience de l’importance de placer le collaborateur au cœur des dispositifs. De même, nous sommes soutenus par la direction de la communication et cela change tout ! Mais, il nous a fallu faire nos preuves ! Pour obtenir cette reconnaissance, nous avons redoublé de pédagogie.
Résultat : nous sommes passés d’un mode de “fonctionnement à la commande”, les directions des différents services demandant qu’on traite tel ou tel sujet, à une approche d’investigation et d’accompagnement : nous recherchons et identifions les informations d’intérêt, nous étudions les propositions qui nous sont faites, et, in fine, nous sommes force de décision. L’enjeu de cette reconnaissance était aussi de faire comprendre qu’il existe une véritable stratégie de communication interne. Avec la mise en place d’un plan à horizon 2025, et la feuille de route attenante, l’interaction avec les différentes directions s’est encore intensifiée : nous avons cassé les silos pour aller vers davantage de collaboration. Ça ne peut fonctionner que comme ça !
Quant à la perception de notre travail, elle va dans le sens, aussi, de plus de reconnaissance : les enquêtes de satisfaction menées en interne révèlent que les mécontents sont la minorité. Je pense que c’est inévitable, il y aura toujours quelqu’un pour dire : “Encore une idée de la com !” Mais une grande majorité se montre enthousiaste quant aux initiatives proposées par notre pôle. Il faut dire que nous essayons au maximum d’impliquer les équipes, que ce soit par exemple pour le rendez-vous “La photo du jour”, qui marche très bien et qui a été mis en place pendant les confinements, ou, plus récemment, en lançant un casting interne pour la réalisation du tout dernier film publicitaire du groupe.
Bataille de l’attention, accessibilité, et lutte contre la dispersion et l’abstraction
Ces bons résultats ne nous font pas occulter les défis auxquels la communication interne fait et va faire face : une des enquêtes que nous avons réalisé en interne a montré que le facteur temps est l’un des nerfs de la guerre. Une vidéo de plus de 3 min 30 ne sera pas visionnée, car considérée comme trop chronophage sur une journée de travail. Il en va de même pour le rédactionnel, même si cela peut générer de la frustration au sein des équipes éditoriales en charge de l’écriture des sujets ! Désormais, nous affichons le temps de lecture des articles et partons du principe qu’en deux minutes le lecteur doit en avoir saisi la substantifique moëlle.
Outre la gestion du temps, nos principales problématiques concernent la centralisation des outils de communication, notamment digitaux. La multiplication des canaux a tendance à créer de la dispersion et de la confusion, et impacte négativement l’engagement. S’ajoute à cela la nécessité de créer une culture “groupe international”, l’entreprise est présente dans plusieurs pays à travers le monde. Nous finalisons la création d’un intranet international, qui va favoriser l’émergence d’une identité commune, sans nier la diversité, bien au contraire. L’idée ? Si les us et coutumes varient en local, le métier est le même, avec les mêmes contraintes. Pour nourrir cet intranet, nous réalisons notamment des portraits de collaborateurs et collaboratrices de Paris, d’Istanbul, de Amman, de Santiago du Chili ou encore de New-Delhi, etc.
Un autre enjeu spécifique est de faire vivre et de rendre vivante la feuille de route du plan stratégique, qui reste encore très abstraite pour les équipes. N’oublions pas que les trois quarts de nos collaborateurs sont sur le terrain et n’ont pas accès aux mêmes informations que les cadres au siège. Enfin, la dernière réflexion dans les tuyaux porte sur la place de l’audio. Là encore, on touche à la notion de service, qui va, qui plus est, dans le sens de plus d’accessibilité.
Pour mesurer l’efficacité et la pertinence de ce que nous proposons, je me fie beaucoup au taux de lecture, d’ouverture et de satisfaction de nos différents médias internes.
Adaptabilité et ouverture d’esprit
D’un point de vue plus personnel, mes principaux défis concernent l’autonomisation des équipes. La créativité est un point central de notre activité ; aussi car les actions de communication, domaine en constante ébullition, sont rapidement caduques. Il faut sans cesse s’interroger sur nos usages personnels en matière de consommation de l’information et réfléchir à la manière dont ils peuvent faire l’objet d’une transposition en communication interne.
Accepter que nos métiers évoluent est, je crois, le plus difficile à faire accepter aux équipes. Les habitudes sont ancrées, et pourtant, “les codes ont changé”. Nous n’avons pas d’autres choix, c’est un passage obligé, que de nous adapter. Aussi, si je devais citer les qualités que le communicant (interne) doit posséder et cultiver, je dirais : l’adaptabilité, la créativité, la curiosité et l’ouverture d’esprit.
Comment les exercer ? En étant à l’affût de ce qui se fait : tourner son regard vers l’extérieur. Le benchmark a, en plus, pour vertu de nous faire prendre conscience que ce que l’on fait n’est pas si mal ! Notre métier a cela de formidable qu’il offre un point d’observation, d’échanges et de rencontres privilégié. D’ailleurs, quand cela est possible, j’essaye d’opter pour les réunions en présentiel, même si le télétravail a de nombreux avantages, et notamment, lorsque l’entreprise est présente, comme c’est notre cas sur plusieurs sites, de réduire considérablement les temps de transport.
Pour boucler la boucle sans tourner en rond : je retrouve dans ma profession ce qui m’animait en tant que journaliste : pénétrer et découvrir de nouveaux univers, tendre un micro, recueillir des témoignages. J’aime la mise en valeur des autres. C’est précisément là que se situe mon plaisir : avoir la sensation de faire quelque chose d’utile.
Regarder (encore) plus loin
Dix années de métier n’ont en rien émoussé mes envies et ma curiosité professionnelle. Si j’avais un souhait pour le futur de la profession, ce serait de de faire évoluer le poste de responsable de communication interne pour ne faire qu’un entre communication interne et externe. Bien sûr, on ne communique pas de la même manière en interne et en externe, la nature des informations diffusées et le langage utilisé sont deux éléments différenciants. Cela ne veut pas dire nier les spécificités, mais plutôt accentuer l’ultra personnalisation des contenus.
Aussi, je ne parlerais plus de communication interne mais de communication orientée vers l’ensemble des services à apporter aux collaborateurs. J’espère que rapidement nous pourrons mettre en place, une information et une gamme de services sur-mesure : pratique ou stratégique, selon les attentes et les besoins. Avec, bien sûr, un socle commun pour permettre le sentiment d’appartenance. Cela jouera très certainement sur le taux d’engagement des contenus proposés. J’aimerais, aussi, envisager une communication interne qui ose la polémique : une voix plus journalistique, très certainement !
D’un point de vue personnel, je me souhaite un poste de dircom, pour avoir une vision globale, à 360°, sur tous les sujets. Et aussi, je dois bien l’avouer, pour l’aspect politique qui me plaît bien !